Comment les Hirondelles de rivage commencent-elles à creuser leur terrier ?

Dans une carrière de sable au centre de la Belgique…

Bruno MARCHAL – Rixensart
Textes et photos protégés par les réglementations en vigueur.


Un peu d’histoire :

En Brabant wallon, au centre de la Belgique, le sol est de nature sablonneuse. 
Ce sol dit « bruxellien » date de la période Éocène, correspondant à un âge vieux d’environ 40 millions d’années.
Depuis le début des constructions dites « maçonnées », l’utilisation de ce sable est devenue indispensable pour la réalisation des différents mortiers et bétons, mais aussi pour des assisses diverses (rails de tram par exemple). 
On retrouve ainsi dans le centre de la Belgique et parfois au-delà, une multitude de carrières de sable, de dimensions très différentes, en fonction des besoins locaux d’exploitation.
Chaque carrière de sable ou sablière, possède des falaises verticales plus ou moins hautes, dues au système d’exploitation du sable.
Pour l’anecdote, certaines pièces de charpentes portent le nom de « sablières »*, encore actuellement.

Ces carrières de sable représentent un nouvel environnement de substitution, idéal pour que nos petites Hirondelles de rivage viennent y creuser leur terrier.
Leurs sites de prédilection, les rives des rivières et des fleuves, sont, chez nous, de plus en plus souvent bétonnées ou empierrées. 
Pourtant c’est de là qu’elles tirent leur nom commun, « Hirondelles de rivage ». 
En latin, ces hirondelles portent le doux nom de «  Riparia riparia ».

L’occasion aussi de vous montrer quelques photos de ces petites hirondelles, sur plus de 2 décennies d’observations en cette sablière.


Mais comment ces petites hirondelles arrivent-elles à débuter leur terrier ?

Fig 1. Fin mars, début avril, les petites hirondelles sont revenues d’Afrique et vont commencer leur terrier.
Voici une partie d’une colonie d’Hirondelles de rivage, au début de leur travail de terrassement dans ce sable âgé de plus de 40 millions d’années.
Les Hirondelles de rivage mesurent 12 cm de longueur pour une envergure de 30 cm et surtout un poids de maximum 20 gr.


Fig 2. Après avoir parcouru plusieurs milliers de kilomètres pour leur migration, ces hirondelles vont encore devoir dépenser une grande quantité d’énergie pour creuser leur terrier. 
Mais avant de pouvoir creuser, elles doivent pouvoir s’accrocher à la paroi verticale faite d’une matière assez friable. 

L’image ci-dessus, montre une multitude de griffures d’essais infructueux pour se maintenir sur cette surface verticale, malheureusement sans y parvenir.
Cela ressemble à une écriture inconnue.


Fig 3. En y regardant de plus près, on remarque aux bouts des flèches noires, de petits trous. Ces petits trous sont réalisés avec leur bec. Finalement, l’hirondelle s’accrochera à la paroi, grâce à cette première petite cavité. Le terrier peut alors commencer.
Dans le début de cavité, cerclé de noir, les coups de bec partent dans toutes les directions, aussi bien horizontalement que verticalement et même en oblique. Ce qui n’est pas toujours le cas, voir figures suivantes.


Fig 4. Parfois elles s’exténuent à vouloir creuser. Elles glissent alors vers le bas. Le sable se dérobant sous leurs pattes. 
Finalement, trop proche d’autres terriers, elles finissent par abandonner leur emplacement pour garder une bonne distance par rapport aux voisins.

Fig 5. En fonction des années (2024) et des zones d’extraction, il y a parfois la présence de pierres de sable de tailles différentes (souvent des fossiles décalcarisés). Celles-ci servent d’accroches et facilitent grandement l’assisse de l’hirondelles, pour le début du creusement. 

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Fig 6. D’autres années, comme ici en 2021, beaucoup d’aspérités sont présentes pour s’y accrocher sauf au centre, un peu sur la droite. On y aperçoit malgré tout, deux individus accrochés à un début de terrier.


Fig 7. Contrairement à une image précédente, l’hirondelle commence ici à creuser son terrier avec un mouvement circulaire du bec, bien visible sur la photo ci-dessus, au bout de la flèche.


Fig 8. En revanche ici, le mouvement semble être oblique, une fois à droite, une fois à gauche.
Les techniques pour creuser ne sont donc pas les mêmes, en fonction des individus.


Fig 9. En 2019, même si l’assisse se dérobe sous leurs pattes, cela ne diminue en rien leur ténacité à vouloir absolument creuser. Besoin vital pour pérenniser de l’espèce.


Fig 10. En 2018, les hirondelles profitaient de fines veines de sable, d’une consistance plus dure pour s’y accrocher au début du creusement. 
On remarque bien les petites veines plus claires, comme des seuils de porte.


Fig 11. 2017, une autre structure de sable, avec une autre configuration des veines, plus « serpentées » et plus foncées que le sable cette fois.

Fig 12. En 2011, le sable avait une structure tout à fait spéciale. Cette structure plus stable, permettait une accroche bien plus facile pour creuser.

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Fig 13. En cette année 2019, la structure de la falaise ressemble plus à de l’argile que du sable.
Il faut dire que dans une carrière de plusieurs dizaines d’hectares, la qualité, la structure, l’aspect et la composition du sable, peuvent fortement varier d’un endroit à un autre et parfois dans la même veine.


Fig 14. Voici un exemple de colonie de 2017, disposée sur la crête de la falaise. Le sable peut avoir différentes couleurs et probablement, différents taux de compression et de composition. Pourtant, les terriers sont réalisés aussi bien dans le sable jaune que dans le sable blanc.


En résumé :
Nos petites Hirondelles de rivage, après avoir parcouru plusieurs milliers de kilomètres en vol depuis le centre et le sud de l’Afrique, sans assistance, retrouveront leur site de nidification en Europe. Elles devront encore dépenser une énergie folle pour réaliser leur demeure troglodyte.
Elles s’accrocheront à la paroi pour commencer à creuser leur terrier tout en faisant face à des conditions météos parfois bien différentes de celles de l’ Afrique ; températures plus basses, pluies parfois continues, vents froids, éboulements du support, ravinements dus aux pluies, prédation…
Quel que soit le substrat, une fois l’hirondelle accrochée et les premiers centimètres creusés, elle continuera son travail de terrassement dans un sable compact, datant de plusieurs dizaines de millions d’années et sur une profondeur de … suite au prochain numéro.

N’hésitez pas à apporter vos observations personnelles, cet article restera évolutif en fonction des observations à venir.

Ce premier article est basé sur des observations personnelles échelonnées sur presque vingt cinq ans.
Le dossier PDF est à télécharger ici.

En attente de vous lire.
Bruno Marchal,


Amusez-vous à bien observer tous les débuts de terriers sur ce cliché de début mai 2025.
En son centre, une hirondelle sort du terrier, les ailes à la vertical.


sablière : Pièce de bois de section rectangulaire placée à plat sur le dessus de la maçonnerie et servant d’assise à la charpente du toit. Une couche de sable, d’où son nom, était étendue sur le dessus de la maçonnerie pour que cette poutre repose bien à plat sur la maçonnerie. Cette pièce de bois était ensuite liaisonnée avec la maçonnerie sous elle, souvent par l’intermédiaire de feuillard métallique. Cette action s’appelle encore actuellement ; « Cravater la sablière ». Elle leste la toiture à la maçonnerie. Ceci est absolument nécessaire en cas de grand vent.